Prolongez la campagne l'exemple c'est nous

Ce site est une archive de la campagne de Yapaka "L'exemple, c'est nous".

La campagne est terminée mais le matériel reste à disposition si vous le souhaitez.

On traite les questions d’éducation à travers certains faits divers mais se pose-t-on les vraies questions ? Celle de l’exemple notamment. Attitude indispensable pour enseigner à notre descendance la condition humaine.

D’où vient l’exemple ? De nos jours, pour grandir, l’enfant qui imite-t-il ? La transmission parentale et scolaire jugée obsolète, quels modèles identificatoires fascinent les jeunes d’aujourd’hui ? Les stars ! Ceux dont la réussite matérielle est fulgurante. Ou encore les images offertes par la publicité et par les médias !

S’il y a crise de la transmission c’est, sans doute, la part de responsabilité des adultes qu’il faudrait interroger. Ceux-ci osent-ils encore soutenir qu’il y aurait un exemple à donner ? Ce serait, de nos jours, aller à contre courant d’une théorie que trop répandue : la tâche éducative doit essentiellement veiller à l’épanouissement des compétences de l’enfant en lui organisant un cadre de vie offrant la quiétude d’un bonheur maximal.
De cette logique en découle une autre : sur nombre d’annonces de naissance, on peut lire l’enfant proclamer, en son propre nom, son arrivée sur terre. L’absence de référence à des parents induit qu’aucun accueil dans le monde des adultes n’est nécessaire donc prévu pour cet enfant … Il n’aurait besoin de personne pour lui livrer les clés du monde. Le voilà donc, dès son arrivée sur terre, totalement livré à son propre désir, à sa propre construction psychique et morale. Eh oui, l’enfant d’aujourd’hui est regardé dès sa naissance comme un être « plein » à qui rien ne manque, disposerait d’un potentiel complet que l’adulte s’efforcera de ne pas abîmer. Ainsi imbibé d’individualisme, chaque individu devient étranger à la destinée de l’autre. On se côtoie mais on ne se voit pas. On se touche mais on ne se sent pas. On existe par soi. On existe pour soi, et pour soi tout seul.

Mais est-il possible de s’autoriser soi-même de son existence ? Non, il faut des générations précédentes pour engendrer notre existence ! Une relation de filiation s’impose. Pour devenir l’apprenti de sa vie, pour devenir libre et responsable l’humain a besoin d’un enseignement initiatique, dispensé par des « maîtres » qui introduisent aux secrets de la vie.

Une erreur fondamentale n’est-elle donc pas d’imaginer que, dès sa naissance, l’enfant sait d’emblée ce qui est bon pour lui ? Faut-il s’étonner que cet enfant contemporain a de plus en plus de mal à imaginer qu’il y a nécessité pour lui d’avoir des choses à acquérir  pour atteindre un statut d’adulte ? Puisqu’il serait né émancipé, où chercher la justification du savoir et de l’apprentissage, de l’exemple à suivre ? Non, pour devenir un humain civilisé il a besoin de notre « bon exemple » !

Les mots réveillent et les exemples sont suivis

Se vouloir être un exemple ne se réduit pas à faire des beaux discours, c’est avant tout transmettre une éthique en vivant sa philosophie d’une certaine manière d’être au monde.

Etre un exemple, c’est pouvoir s’imposer comme un modèle qu’un jeune à envie de suivre, aussi réfléchissons aux rôles que nous jouons quotidiennement. Sommes-nous un modèle qui enrichit les jeunes, l’humanité et son environnement, ou qui l’appauvrit ?
Etre un exemple, ce n’est pas tant aider l’autre à vivre que lui apprendre à agir en maintenant une cohérence entre ce que l’on pense et ce que l’on fait. Ce n’est pas craindre d’incarner les idées auxquelles on tient.

La peur qu’induit le mot « exemple » prend sans doute sa source dans les vestiges inconscients des attaques destructrices de l’autoritarisme despotique de la première moitié du XXème siècle. Cette tyrannie imposait, de la naissance à la mort, une place à laquelle il était quasi impossible d’échapper tant elle était ordonnée et organisée par l’institution sociétale. Par exemple, l’aîné des fils reprenait la profession du père, le cadet était offert à l’Eglise et le troisième à l’armée ou aux colonies. Ce temps là est loin.

Depuis lors, la promotion de l’enfant pensé comme un individu à part entière, mu par un désir propre, s’est imposée. Occultant hélas, parfois la prise de conscience que toute identification fait appel à l’imitation. Incontournablement, pour grandir tout enfant nous regarde vivre et agir et rien de nos faits et gestes  n’échappe à son attention.  Il cherche sans relâche la logique entre nos paroles et nos actes, entre ce que nous proclamons et ce que nous agissons. Difficile d’éduquer au respect de l’environnement en jetant par la fenêtre de la voiture son paquet de cigarette vide ! Ni de lui expliquer la nécessité d’une vie saine en n’ayant d’autres distractions que de s’abrutir devant un écran en sirotant une boisson sucrée !

La transmission de valeurs est une base indispensable pour inscrire un individu dans une identité personnelle et culturelle. L’exemple est un facilitateur de transmission de la culture dont l’enfant est issu.

Pas d’exemple sans lien

Pour s’humaniser un enfant a besoin de se sentir relié aux adultes dont il s’origine et aux adultes qui ont joué un rôle essentiel dans son identification et sa structure. La question que tout adulte devrait se poser est : « Dans ce qui me relie à cet enfant, en quoi l’exemple que je transmets est-il constructif pour lui ? »

En matière de transmission, la question du lien est cruciale. En annonçant la naissance de leur enfant, les parents lui assignent une place dans la société et dans le futur. Ils signifient que faisant suite à la génération en place, ce sera à l’enfant de prendre le monde en charge. Ils mettent en place un mécanisme de transmission qui établit le lien entre les êtres du passé et ceux du futur.

La famille privilégie la constitution du lien, mais à condition de prendre le temps de transmettre et d’ainsi partager des valeurs. Si les liens familiaux sont poreux, la transmission est floue et l’exemple sans poids. Le jeunisme ambiant qui en appelle à un refus de la différence des générations, les pères sortant avec les fils, les mères s’habillant comme leurs filles, prive d’exemple, de références. L’enfant se voit contraint à devoir se donner à lui-même les réponses sur la Vie, sur sa vie… S’ouvre alors le gouffre de la désespérante solitude dans un monde qui pourtant offre tout !

Cet individu à part entière, s’il n’a besoin de personne n’est-il pas dés lors important pour personne ? Quelle que soit la place que nous assignons aux enfants, ils continuent à attendre de la part des parents, des réponses. Lorsque nous ne transmettons rien, qu’au contraire nous attendons des enfants qu’ils nous guident dans la vie, ces derniers souffrent car ils n’ont plus d’enfance. Lorsque une autonomie d’existence est d’emblée attribuée à un enfant, qu’il est regardé comme « complet », que pour soutenir son plaisir d’exister, il n’a pas besoin de se mirer dans le regard de quelqu’un, qu’il n’a besoin de l’exemple de personne, s’inscrit au fond de sa psyché un sentiment d’abandon. Naît ainsi une carence de lien qui peut orienter sa vie vers la dépression ou la violence.

Beaucoup de jeunes, en manque de liens réels, pour ne pas périr de solitude, s’illusionnent de virtuel. Le lien social, besoin fondamental qui sert à attacher, à unir, condition pour que se mette en place une relation, est désinvesti au profit d’autres attaches. Le mail, les forums de discussions, les chat, les font adhérer à d’autres micro communautés, sans visage. Communautés qui n’ont pas de lien les unes avec les autres. Centres d’intérêt auxquels on s’attache et dont on se détache au gré de nos besoins et de nos envies… Il y a peu de place pour l’exemple car au réseau, on est connecté, pas lié.

A notre époque imprégnée d’écrans, d’MP3, temps où chacun se retrouve avec ses sens tournés vers l’intérieur, l’exemple favorisant tout ce qui fait gagner en ouverture est crucial. Se vouloir être un exemple c’est refuser de s’enfermer dans son petit ghetto personnel plus ou moins confortable. L’ouverture à autrui est ce qui marque l’emprise progressive de la civilisation sur la barbarie. Ce n’est qu’à ce prix que la tolérance peut s’enraciner sinon ce qui gagne c’est la peur de l’autre car le moi de l’individu est trop fragile.

L’enfant, l’adolescent, qui doit grandir sans exemple, sans quelqu’un pour le guider se retrouve aux prises avec la barbarie de ses pulsions, bien plus redoutable, angoissante et déstructurante de notre part d’humain que l’autoritarisme dirigiste d’antan…
Lorsque manque la transmission d’une génération à l’autre, l’adolescence devient un temps d’horreur. Au lieu d’être un temps de distanciation, de questionnement de la différence, l’adolescence devient une plongée dans l’errance…Puisque le jeune se voit obligé de se délier de lui-même, son système de valeurs venant de lui et non d’une transmission parentale... Plongée dans la violence de l’errance durant laquelle il se trouve livré à l’angoisse et à la douleur du risque d’inexistence. Une des raisons des nombreux suicides de jeunes ?

Autrefois, c’étaient les anciens qui apprenaient à l’enfant à vivre en société, société réglée par des structures et des valeurs reconnues de tous. Ce temps est révolu, c’est une bonne chose d’avoir fait de la place au dynamisme et à la créativité des jeunes. Ce n’est pas une raison pour oublier que concernant les questions de fond – la vie, l’amour, la peur, la joie, la souffrance – c’est à tout adulte, digne de cette dénomination, qu’incombe la tâche de transmettre, à travers l’exemple qu’il offre, un pan de civilisation humaine.

Diane Drory, psychanalyste - septembre 2009

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